Ah Zagazai ! Sûrement un nom qui restera pour longtemps gravé dans les mémoires des dubbers qui y ont assisté, tant du public que des crews, tant par le simple fait que ces soirées furent un grand hommage au regretté Manutension - qui pour rappel aux néophytes est un des pionniers du dub en France, c’est par exemple lui qui a pour la première fois fait venir Jah Shaka à Bordeaux, et il fut également un des membres fondateurs des Improvistors Dub - que par la qualité des prestations lives et sound system auxquelles on a pu assister.
Ainsi Vendredi soir, nous allons en direction de Terre Blanque, à une vingtaine de kilomètre de Toulouse, assister à la première Zagazai Party, qui je le rappelle était une soirée en hommage à Manutension mais servait aussi à récolter des fonds pour la création du label Gabriel & Romann Music, créé par les proches et la famille du regretté musicien et dont les droits d'auteur reviendront à ses enfants Gabriel et Rommann. Un stand était ainsi présent aux 2 soirées, avec la possibilité de pré-commander le premier vinyle du label (qui malheureusement n’était pas disponible à cause de retards de pressage), mais également des T-Shirts et même pour ceux qui avaient peu de moyens des... badges !

Tout d'abord le site en lui même, une communauté autogérée bien connue des milieux alternatifs, offrait un cadre original pour cette première soirée : en pleine campagne, calme, et quasiment isolé du reste du monde... En rentrant dans la salle, on se retrouve nez à nez avec le mur de son d'OBF, très impressionnant... Le temps de prendre connaissance des lieux, d'aller à la rencontre de certains artistes. 21h arrive déjà et Ackboo rejoint le corner sound system pour entamer le premier set de la soirée.
Après un léger retard de 15 minutes et quelques soucis techniques, Ackboo, derrière ses platines et accompagné par Zion–I au micro, commence tranquillement et non sans surprise par quelques perles roots telles que "He ain’t coming" de Desi Roots, "One People" de Pablo Moses & Junior Byles... Il est toujours bon de rappeler les origines, et on constate que les dubbers accordent toujours beaucoup d'importance à le faire. Tandis que la salle se remplit lentement, mais sûrement, le set vire inévitablement a ce qui va être le coeur de la soirée : du dub 100 % steppa style accompagné par la voix chaleureuse de Zion-I qui se pose parfaitement sur les sélections d’Ackboo. Les basses commencent déjà à faire trembler les murs : la sono crache une bonne partie de sa puissance alors que la soirée vient à peine de commencer.
Ackboo cède ensuite sa place à Sirhill qui vient nous abreuver d’une sélection 100% Control Tower, du grand bonheur en perspective... la salle est maintenant bien remplie et le selecta nous offre un set très roots avec beaucoup de nouveautés comme la face B du dernier 12” d'Askan Vibes, le nouveau 7" Webcam Hi-Fi également le dernier Miniman avec Earl 16, rien que ca !!! Tandis que le set avance, la salle se remplit et l’ambiance commence tranquillement à monter, tiens tiens, y’a comme une drôle d’odeur dans la salle... Après ces sélections triées sur le fil, une personne qui n’est autre que le frère de Manutension monte sur scène pour lui rendre un hommage poignant et riche en émotion, rappelant brièvement le rôle qu’il a joué dans le développement du dub en France.
dubVeda, fait ensuite son apparition sur scène pour nous livrer le seul live-act de la soirée. Rapide présentation du groupe : dubVeda est composé de Dr Nagual X aux machines et melodica et Knarf à la batterie électronique, percussions et melodica. Ils ont déjà sorti deux maxi vinyles (le premier est chroniqué ici) et ont déjà quelques dates de live à leur actif. Malgré quelques soucis techniques pour Knarf, le duo fait monter d’un cran la qualité et place la barre très haute après une première tune complètement explosive et transcendantale, avec un Knarf possédé devant son djembé, tandis que Dr Nagual X, derrière sa table de mixage, agit tel un chaman préparant ses potions, invoque sons et effets aux influences clairement tribales. Le premier dub m’a marqué par sa puissance et son énergie extraordinaire, que dire ensuite de "Cleoveda", second morceau du live ? Une tuerie monumentale, impossible de ne pas bondir à chaque skank... Cerise sur le gâteau, un rêve secret fut exaucé : une reprise dub de Manu Chao en last tune, wicked !!!! Seul bémol du set, la très courte performance de Spraggy qui est venu accompagner le crew sur Integraal Chant et ne semblait pas en très grande forme. Espérons qu’il se rattrapera le lendemain ! A part ces quelques soucis le set de DubVeda fut clairement mon préféré de la soirée, à mes yeux la forme live machine est une des configurations qui correspond le mieux au dub. Déjà il faut savoir que tous les sons du crew sont réalisés en analogique dans leurs studio, et ça se sent immédiatement, dès la première note : des sons aux textures plus naturelles, une profondeur inégalable, et un son plus vif et chaleureux, beaucoup de musiciens considèrent les sons numériques comme étant froids et dénués d’âme en quelque sorte... Ensuite la possibilité de mixer en temps réel un morceau est tout simplement un grand luxe : cela rend inévitablement le set plus vivant par le fait que la texture du son, grâce aux effets appliqués et aux cuts, sont en constante mutation, en changement perpétuel.
5938069269_f03c50cdb1_z.jpg Eh bien autant dire qu'après ce live-act électrique et furieux, la soirée a atteint un point de non retour : celui où désormais il va falloir faire toujours plus fort, toujours mieux, et c’est The Dub Machinist & I-tist qui prennent le relais, de retour sur le sound system... D’emblée les 2 compères poussent le volume sonore un cran au dessus du précédent live : la sono résonne, que dis-je, gronde de toute sa puissance ! Les basses font vibrer le sol, les murs, et le corps accessoirement, bref tout ce qui passe par leurs chemin ! La salle est désormais bien remplie, l’ambiance bien installée et même ceux qui se seraient égarés ont bien compris ce qui les attend pour la suite... Dub Machinist et I-Tist ont proposé une sélection axée dub stepper, riche en dubplates et exclus toutes droit sorties de leurs studios respectifs. Leur set semble avoir beaucoup plu a l’assistance qui a répondu vivement aux animations de I-Tist qui était chaud comme la braise ! (voir la vidéo).
Alors que la fatigue commence à m'envahir, le crew OBF prend place derrière ses machines. Bien sûr vu que la sono appartient au crew, ce sont eux qui on su en tirer toute la puissance. On pourrait même dire que la devise pour la fin de la soirée était : toujours mieux, toujours plus fort, la question qui se pose : jusqu'à quelle limite ?...
Alors qu’OBF commence son set par des dubs calmes pour faire monter progressivement la pression, la réponse ne se fait pas attendre. Malheureusement des problèmes techniques surviennent au niveau de la sono avec des coupures de son. Mais qu’a cela ne tienne, OBF en profite pour faire un big up : “c’est la faute à sarkozy” certains trouveront ça trop démago, mais ça fait toujours sourire... Côté sélection : beaucoup d’exclusivités, on a retenu la tune avec un vocal terrible de Sis I-LINE alors qu’elle avait seulement 16 ans au moment de l’enregistrement !!! Autant dire qu’avec cette performance elle a de l’avenir... Et toujours niveau vocaux un morceau assez mortel avec Lady Chann et son flow ravageur, et le big up “aux ganja man et ganja girl” trouve bien sur un large écho parmi le public.
Le set d’OBF terminé, il se fait tard... très tard et les jambes se font lourdes, très lourdes... mais qu’a cela ne tienne les crews n’ont pas encore dit leurs derniers mots !!! Ainsi de 3h à 5h30 du mat, la soirée se termine gaiement avec OBF et Dub Machinist & I-Tist aux commandes, jouant en dub fi dub, en alternant tout d’abord chacun deux morceaux puis un jusqu'à la fin. L'idée était bien de faire monter la pression tout en jouant au petit jeu de celui qui placera le tune qui va tout retourner.

Cette première soirée riche en émotions et de grande qualité vient à peine de s’achever et il faut déjà partir pour bordeaux pour la 2e soirée... Une courte nuit de sommeil entre temps fera l’affaire. Changement de ville, changement de décor... et changement d’ambiance !

Cette 2ème soirée a lieu dans le fief d’une partie du dub francais : Bordeaux qui n’est autre que la ville ou les légendaires Improvisators Dub ont commencé a répandre le dub... rien que ca ! Direction donc la Rock School Barbey, la première partie de la soirée en mode live act se déroule ainsi au rez de chaussée, sur ni plus ni moins que la sound de Manutension !!! Sono carrément méchante dont la config fait penser aux soundsystem techno, avec 2 murs d’enceintes devant et 3 retours à l’arrière de la salle, aucun échappatoire possible !!! On nous a réservé ensuite la grande salle de concert à l’étage pour la deuxième partie Sound System... prometteur !
D’emblée on peut s’apercevoir que l’ambiance n’est pas tout à fait la même qu’à Toulouse : plus de connaisseurs, de mixité intergénérationnelle, et bien sur les proches de Manutension et une bonne partie de la ”dub family” au grand complet, on a pu par exemple apercevoir tous les anciens des Impros durant la soirée.
Alors qu’un DJ nous fait patienter, la soirée commence enfin avec les Uptown Rebel, basés à Bordeaux. Ce qui frappe d’abord c’est la qualité de leurs set et de leurs son live qui est beaucoup plus chaleureux et vivant que sur leur album (Enter The Arena) puisqu'ils utilisent beaucoup plus de son analogique et on en revient encore au même constat que pour dubVeda. On peut cependant regretter une certaine timidité du crew sur scène, mais ils sont encore jeunes, et il n’est de toute façon jamais évident d’assurer le premier set, devant une salle à moitié remplie.
Uptown rebel termine son set alors que la salle s’est déjà bien remplie, et l’ambiance clairement installée, le public sait pourquoi il est venu, il ne tient donc qu’à DubVeda de marquer cette soirée de leurs empreinte. Bien sûr on assiste à un set similaire à celui de la veille, mais en plus vitaminé, et on a même eu des grosses surprises avec la montée sur scène de Titus, un ami du duo, qui est venu livré une sacré performance au tamtam, et pour la last tune Jazzbo du crew Iration Steppas nous a fait l’honneur de monter sur scène pour accompagner Spraggy... tout simplement un grand moment de dub. DubVeda se veulent dans la continuité des Impros de par leurs approche du live, c’est clairement réussi.
Direction ensuite la grande salle à l'étage de Rock School où commence le set de Dub Browser. Dub Browser est un collectif de musiciens et producteurs basé à Bordeaux mené par Ludo “Moussaka” et Chabi. Ils étaient ce soir en mode sound system avec Ludo au mix live de ses productions, accompagné d’un MC (dont j’ai oublié le nom désolé). Un set énergique au cours duquel un invité surprise : Winston McAnuff vient faire une remarquable prestation au micro.
OBF prend la relève et fait remuer toute l’assistance comme une vague humaine. Le chanteur Humble-I vient leur prêter main forte au micro et se montrera très (voire un peu trop) présent tout au long de leur set. Peut-être était-ce dû à la fatigue de l'enchaînement des deux soirées mais Rico et Guyohm se sont montrés encore plus énergiques qu’à Toulouse ! Il faut aussi admettre que les massives étaient très concentrés autour de la control tower, et réceptifs aux nombreuses propositions de dubplate jouées par le duo.
Il est plus de 3h et le crew Iration Steppas débarque au grand complet (Mark Iration, Dennis Rootikal, Jazzbo, Max) et clôture une soirée bien riche en vibrations. Mark commence le set avec un hommage vibrant à l’homme qui a fait la raison d’être de cette soirée. Il rappelle le rôle qu’a tenu Manutension et Improvisators Dub dans le développement du dub en France, ce qu’il représentait en tant qu’homme et l’immortalité de son œuvre musicale. Mark Iration savait que les connaisseurs de dub étaient venus en nombre à la soirée et a présenté une sélection riche en exclusivités du studio High Rise. Au programme, beaucoup de remixs (nottament du morceau "Cornal Mind", réalisé avec Improvisators Dub mais aussi des productions Dubkasm) des morceaux plus oldschool “90’s style” du High Rise ainsi que quelques dubplates de producteurs que Mark apprécie beaucoup (comme TNT Roots "Earthquake"). Une fin de soirée définitivement placée sous le signe de la réussite, en témoigne la présence de nombreux massives à danser après le rallumage des lumières.

On remercie chaleureusement le crew Kapblanc, Terre Blanque, Gary Clunk et le crew Andromac, Rockschool Barbey pour la qualité de leur accueil à Toulouse et Bordeaux (le couscous était délicieux, merci !!! ;)).

Texte : Ara
Vidéo et photos : Mill3k