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En 1999, alors qu'en France perçaient les futurs piliers de l'electro-dub Zenzile, High Tone et Kaly Live Dub, le compositeur multi-instrumentiste Roland Rougé alias Miniman dévoilait son premier morceau sur la compilation Alternative Növo Dub Vol 1. Ce morceau c'était Dub Land, un dub instrumental qui a par la suite gagné en popularité, au point d'être pressé en vinyle deux ans plus tard, donnant naissance à cette occasion au label de Ras Abubakar - Zion Gate Music.
L'année suivante, Miniman présentait enfin son premier long format En Marche Pour Zion, un album qui témoignait de la volonté du musicien de développer le stepper en France. Mais celui-ci ne s'est heureusement pas cantonné à reprendre à la lettre la recette des producteurs anglais, il a apporté à ses dubs une touche mélodique très personnelle, mariant habilement les instruments (orgue, melodica) joués en direct aux rythmiques et basses digitales.
Depuis, le compositeur a étendu ses projets, du studio au live, en solo et avec d'autres musiciens comme Sylvain Harrand pour le projet de fusion dub-rock-expérimental Seven Seals en 2005. Il a également signé un second album sous le nom de Miniman : Opus In Dub Minor, sorti sur Hammerbass en 2006. Le musicicien y présentait une dizaine de morceaux qui mélangeaient trip-hop, dub stepper, transe et musique de films (il citait notamment les compositeurs italiens Ennio Morricone et Giorgio Moroder) et se permettait d'audacieuses expérimentations dans la structure, l'environnement sonore et le mixage de ses compos.

Alors... Comment Children Of Judah se situe t-il dans un parcours musical aussi riche et varié ? Après écoute du maxi, on admet volontiers qu'il se démarque d'Opus In Dub Minor et se présente plus comme un retour aux sources du dub pour Miniman.
Sur son précédent album, Miminan avait invité le chanteur Ras McBean sur le morceau Jah Is King, il convie à présent Earl 16 à signer la partie vocale du maxi. Le singer anglais livre un cut impérial, égalant certaines de ses meilleures collaborations avec Gussie P (Trample Babylon, Foot Of The Mountain ou Jah Messengers). Dans ses lyrics, Earl 16 aborde un thème récurrent de la culture Rasta : le rassemblement des peuples d’Israël et de Judée, les enfants de Jah, pour suivre la voie de leur créateur. Si le message ne surprend guère dans le fond, c'est son développement au fil du morceau et sa tonalité poétique singulière qui retiennent notre attention. Earl 16 semble d'ailleurs très à l'aise avec ce riddim, il trouve constamment le bon rythme dans l'enchaînement de ses lyrics et leur insuffle le meilleur de son large potentiel vocal.
Bien qu'elle s'inscrive dans la tradition du stepper uk, la production de Miniman n'en possède pas moins la marque de son auteur. Remarquable de justesse et de précision, le riddim regorge de subtilités sonores qui éveillent sans cesse notre attention durant l'écoute. Détail amusant, Miniman se permet une petite autocitation en reprenant le thème (légèrement modifié) de Dub Land dans la deuxième partie du morceau, un clin d’œil sympathique pour ceux qui suivent un peu le parcours du producteur nantais ! Les versions ont également de quoi combler les amateurs de dub. Outre une superbe version melodica en face A, preuve que Miniman n'a aucunement perdu de son inspiration mélodique, les deux dubs en face B sont tout aussi réussis. Le premier focalise sur la dynamique du morceau grâce à un couple kick / basse renforcé et la résurgence fantomatique du melodica traité à la chambre d'echo. Le second, réalisé par The Dub Machinist, est plus nuancé et nous fait voyager entre des plages deep, dépouillées et d'autres mettant en relief l'essence rythmique brute du riddim et par intermittence, chacune de ses composantes digitales et instrumentales. Une belle rencontre entre le techno-dub cosmique d'un ancien membre d'Uzina Dub et l’environnement mélodique de Miniman.

miniman.jpg Children Of Judah marque un retour prestigieux de Miniman au dub qui l'a mené sur scène. Une scène qui a d'ailleurs profondément évolué depuis 10 ans et la sortie de son premier album En Marche Pour Zion puisqu'aujourd'hui on compte par dizaines les producteurs de stepper en France et en Europe. Ce nouveau disque se démarque pourtant de nombreuses productions contemporaines de par sa grande richesse mélodique, la précision chirurgicale de ses arrangements et ses longues plages de mix (dépassant largement les 5mn !) permettant aux dubs de se développer plus en profondeur. On espère sincèrement que ce maxi trouvera sa place sur les platines de nombreux sound systems dès cet été et qu'il donnera envie aux plus jeunes auditeurs de s'intéresser aux précédents disques d'un producteur de dub définitivement très doué.
On note également le soin particulier apporté à l'artwork de la pochette du vinyle avec en couverture, un dessin réalisé par Fluoman (RIP), artiste peintre reconnu dans le milieu du reggae pour ses nombreuses œuvres réalisées à l'acrylique fluorescente. A l'arrière on retrouve les crédits musicaux et l'intégralité des lyrics écrits par Earl 16. D'excellents compléments pour un disque au contenu déjà très riche.

Le vinyle est produit par Dubju sur son label Hitch Hiker Records et distribué par Control Tower. Disponible directement auprès du distributeur ou chez tous les disquaires spécialisés.

Un petit promomix du vinyle :