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Commencée en 2005, la série SOUND, dont les premiers volumes mais surtout le S sont introuvables, est la seule expression discographique des Dub Addict (compilation mises à part). Ce collectif, composé de Pilah (le guitariste de Kaly Live Dub), Boudou, Roots Massacre, 19 Dub et Joe Pilgrim, est surtout une rencontre de musiciens d’univers variés qui aiment à mélanger leurs influences. Amateurs de reggae, de dub, d’électro dub, de dubstep voir de breakbeat, ils démontrent encore une fois leur éclectisme sur N. En effet, les aficionados le savent, la première écoute d’un maxi de Dub Addict est toujours une renaissance. Comme si on écoutait un nouveau style… Ça perturbe, on est tout troublé, ca sonne reggae, ca sonne dub, ca sonne electro, mais pas complètement, « hé ce son là, trop bien… » pense-t-on. On a l’impression de redécouvrir la musique. Puis la vibe est tellement bonne qu’une fois la face finie on la remet, histoire d’en profiter encore et encore. Ce fut le cas sur « Fools Policy » sur S, « Watching Me » sur O, ou « In our Hands » sur U, c’est encore le cas sur N.

N est composé de deux titres avec sur chaque face Pilah aux contrôles et Joe Pilgrim à la chanson. Sur la première on découvre « Crazy Democracy » suivit de son dub « Crazy Dub»  ; sur l’autre « Dub Card » en discomix. Les deux morceaux font la part belle à un mix réussi entre les acidités du dubstep et les ambiances chaleureuses du reggae. Pour nous, Dub Addict semble incarner ce qu’il se fait de mieux en termes de crossover entre ces deux milieux. Un dosage intelligent et subtil des codes de ces deux univers proches mais que tout éloigne. Par exemple, on entend bien ce wooble agressif, marque de fabrique du son des caves londoniennes, mais sans que celui-ci n’ait le temps d’installer des ambiances oppressantes, Pilgrim vient jeter son flow doux. La voix de celui-ci apaise et rassure. Cet équilibre entre douceur et force, ainsi que le timbre de cette voix, unique dans la scéne dub, jouent pour beaucoup dans la qualité et l’originalité de ces productions.

Sur « Crazy Democracy » Pilgrim appelle à prendre soin de la planète, il chante sur un rythme plutôt rubadub tandis que Pilah booste le tout avec une production électro des plus soignées. Plus qu’un morceau reggae renforcé au dubstep par des touches maladroites, Pilah construit un vrai morceau entre les deux univers. Le skank est présent et les combinaisons de wooble sont dosées avec maestria. C’est dans des moments de creux qu’elles relancent Pilgrim qui ne s'arrête pas pour autant. Un morceau au rythme plutôt lent mais qui ne manque pas de dynamisme par la voix de Joe. Le dub qui s’en suit est une pure tuerie, la production est minutieuse, les boucles longuement choisies, les effets savamment dosés. Profond et urbain, ce dub transcende.


De l’autre coté « Dub Card » et son long format en discomix, qui enchaine le morceau et son dub, s’approche un peu plus du dubstep aux ambiances plus sombres. Il est d’ailleurs introduit par des bruits étranges et angoissants renforcés par une reverb aigue.Cependant le texte de Joe Pilgrim contre-balance cette atmosphère par des paroles clairement rastas et militantes. Une fois cette intro passée, la voix de Pilgrim, glissante sur un ronronnement de violoncelle, nous emmène par la main sur le chemin de l’argent et des cartes bancaires : « your concept of a bank is a brainwash » s’esclaffe Pilgrim. La basse douce mais robotique nous guide au milieu des saturations pour nous emmener jusqu’au dub. Ce dub, qui en fait n’en est pas un, s’énerve de manière inattendue en une succession de break, d’echos sans fond et de reverbs exagérément renforcées. Moment qui surprendra le dubber aux œillères. Apres ce passage par cette chambre chaotique, les reverbs et les delays se font plus présent, le mix devient plus violent, déstructuré. On sent une force, qui envoie tout en l’air, les codes sont bafoués, on n‘est plus vraiment dans du dubstep, ni dans du dub, la basse est lourde, le son mystique et urbain…
Ce morceau, qui ne fait pas l’unanimité au sein de la rédaction, est pour certain une révélation, pour d’autre ce n'est juste plus vraiment du dub…

C’est presque une coutume, et on en redemande encore, cette sortie vinyle de Dub Addict s’avère être une réussite musicale, audacieuse mais réfléchie, téméraire mais pas rentre-dedans et actuelle par ces textes. Pilah et Joe Pilgrim ont su faire un vrai pont entre dub et dubstep, entre la scène dub des sound systems et l’univers plus électro dont découle la scène électro dub française… Un succès qui tournera en soirée aussi bien dans les deux tribus,qui dérangera les puristes et enchantera tout les autres. Vivement le D !