La curiosité nous a donc poussé à nous amasser avec les kilomètres de queue devant le Trabendo. L'organisation avait annoncé que les pré ventes étaient complètes et que les malheureux qui n'avaient pas de billets devaient arriver tôt. Mal leur en a pris quand, dès minuit, les guichets étaient déjà fermés et que les videurs arrosaient consciencieusement de lacrymogène le public qui étouffait de rage derrière les barrières. Ce qui est rigolo, c'est que même ceux qui devaient récupérer leurs invitations aux comptoirs ont parfois attendu plus de deux heures en attendant que des spectateurs veuillent bien sortir. On peut aisément comprendre l'engouement du public pour ce genre d'événement et la difficulté que représentent la gestion de cet enthousiasme débordant, mais les University of Dub, précurseurs de ce genre de petites sauteries nous ont habitués à plus de mansuétude, et ce malgré le mauvais caractère de nos amis anglais, alors dire que ça peut plomber l'ambiance d'un sound, il n’y'a qu'un pas… Maintenant l'organisation et le Trabendo ont diffusé un message d'excuse officiel cette semaine, via reggae France, nous promettant de prendre à l'avenir les dispositions nécessaires pour que ce genre d'incident ne se reproduise plus et rappelant que la configuration de la soirée avait été perturbée par le précédent concert et les embouteillages. Merci à eux d'avoir pris la mesure de ce singulier désagrément..

En fait Mikey de Channel One nous réservait une surprise, c'était en effet le 30eme anniversaire du Sound Channel One et l'ensemble du crew avait, semble-t-il choisit de venir le célébrer à Paris en famille, ce qui a ravi la majorité du public qui avait donc répondu présent. La soirée peut enfin commencer avec un Mikey seul au controls pour un warm up bien roots comme il a son habitude, commençant la session par l'ultra classique "Java" d’Augustus Pablo et l'inévitable Bob Marley (c'est toujours marrant de voir jouer "Natural Mistic", "Coming from the Cold" ou "Sun is Shinning" sur un sound system) et un spécial Salute à Yabby You récemment disparu en Janvier avec "Deliver me from my enemies" ou le classique mais toujours wicked "Yabby You". Bref un petit warm up assez casual, avec l'inusable "Shine Eye Girl" de Black Uhuru ou le "Bounty Hunter" de Barrington Levy, mais bien roots avec même des petites pépites ultra roots comme le fameux "Black Star Liners" de Fred Locks, oü Mikey accompagné de sa femme et son klaxon a pris la température de la foule compacte qui s'entassait dans la salle polymorphique du Trabendo. Mikey joua le "Jah Guide All The Sufferers" de Far East agrémenté d'un "we're from the same familly" qui fut salué sous les vivas tant la tunes est un standard du genre et tant elle se joue avec bonheur sur la sono de l'historique sound system. On boucla le warm up en nous vrillant la tête comme il se doit, avec le dub du terrible "Paro Dem Paro" de King Kong, inoubliable….

Voir le bonnet de Mikey s'agiter langoureusement au milieu de cette marré humaine, nous poussa jusqu'à 3h30, heure d'arrivé de Ras Kayleb, qui de sa voix de stentor appela les foules à skanker et incita Mikey a twister sa selection sur un pan plus steppa avec par exemple le "World Crisis" de Don Carlos qui permit à Ras Kayleb de poser un "War" de circonstance et un "Free Africa" des Twinkle Brothers, "He Ain't Coming" de Desi Roots ou un "Intruder" de Johnny Clarcke avec un dub en part 2 sans le fameux trombone dans une version dont seul Mikey a le secret. Mikey avec son joli t-shirt Black Redemption nous proposa ce soir-là une sélection avec différents styles mais avec toujours la signature sonore de son sound : un reggae pas trop agressif très rond dans les basses et les 3 slots de box répartit dans la salle nous ont abreuvés d'un son rond parfait qui a tenu l'ensemble du public jusqu'au petit matin. Le son de Channel One est vraiment une pure merveille, tout en douceur avec des basses bien rondes, sans aucune once d'agressivité, Mikey joue les tunes avec puissance et détermination mais toujours dans la ligne de son équipement. Ce qui est rigolo, c'est que par exemple Mikey est très soft sur son équalisation et joue presque toujours ses subs à contretemps avec un petit écho joué avec parcimonie. Par contre Mikey est un expert de la sirène, et c'est pas moins de 6 sirènes qui s'entassent sur le haut de sa Fx Control Towa. 6 sirènes sanglées en pyramide qui lui permettent de signer chaque temps de sa selection par un appel général appuyé qui résonne jusqu'en dans les travées de Babylon.Un Siren Master bien équipé qui a toujours sut garder le doigt appuyé pendant de longues secondes sans jamais vous lasser, tout un art en somme…
En petit aparté, nous voulions juste souligner le fait si particulier de voir jouer (presque) toujours Mikey accompagné de sa femme. En effet c'est suffisamment rare pour le souligner, le fait de voir cette passion du roots reggae partagé d'une manière quasi fusionnelle par ce couple attachant, avec un deejay toujours aussi inspiré qui passe des tunes brûlantes en regardant sa femme danser et ponctuer chaque tune d'un coup de trompette, est un plaisir rare dans le domaine de la musique aujourd'hui et devient presque une ode à la mixité tant l'harmonie de ce tandem est contaminant. Bless. Ras Kayleb en profita pour nous jouer son "Everywhere Jah is There" qui doit bientôt sortir sur Roots & Culture et, nous devons bien le reconnaître, le titre a pris en consistance tant Ras Kayleb varie plus son chant que lors des précédentes sessions comme par exemple sur la radio Red Bull… vers 5h00 du mat, le box man nous apporta un gâteau d'anniversaire avec un joli 30 Ans en bougies que Mikey fût enchanté de souffler, non sans nous avoir dit au micro que ces 30 ans furent riches et accomplis au service du roots reggae .

Après un "Mental Slavery" de Singie Shante et pleins d'autres tunes dont j'ai oublié le nom mais en se souvenant que le "I Don't Want To Be No General" de Dennis Brown est vraiment une wicked tune, nous vîmes la soirée s'achever sur un "Afrikan People" de Ras Tweed enchaîné avec les crucial dubs du Mellow Vibes Crew super frais, tant la tune a craché la guerre avec son mix touffus et qui nous amena sur les coups de 7h00 du matin, et les 500 personnes qui avaient attendu la fatidique dernière tune ne semblaient pas vouloir quitter la salle comme pour prolonger indéfiniment l'une des soirées les plus roots de l'année… C'est sous les invectivations de sa femme et les regards courroucés d'un membre de la sécurité que nous nous sommes quittés.
Channel One Rules, ok ?!!!