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Nous n'aurions pu l'affirmer il y a quelques mois, Toulouse est en train de devenir un des nouveaux pôles de convergence du dub hexagonal voire international. Cela ne pourrait se produire sans le travail de qualité d'une poignée de sounds, organisateurs et dub-makers locaux tels que Zongo Sound, I-Station, Redline, Ackboo et Malone Rootikal et depuis le mois de mars grâce aux désormais incontournables Toulouse Dub Station.
C'est ainsi que le soir du Vendredi 13 novembre, près de 1500 personnes débarquées de toute la région Midi-Pyrénées mais aussi d'Aquitaine, du Languedoc-Roussillon et même d'Espagne s'étaient données rendez-vous devant les portes du Bikini de Ramonville pour célébrer le dub devant les deux murs du King Shiloh Sound System. Une affluence record, car excepté pour des festivals type Riddim Collision ou Ja'Sound, nous n'avions connu une telle affluence pour un évènement exclusivement dub en France auparavant.

Plantons immédiatement le décor : Le Bikini, une salle qui a un passé, une histoire, car situé en bordure de Garonne depuis 1983, l'ancien Bikini a été soufflé par l'explosion de l'usine AZF en septembre 2001... Ce n'est qu'en septembre 2007 que les toulousains ont pu de nouveau bénéficier d'une salle tout neuve en périphérie de la ville rose, à Ramonville.
22h, l'heure de l'ouverture des portes approchant, une longue file d'attente est déjà formée devant le guichet. Les plus prévoyants ayant acheté leur billet en avance (et fait l'économie de 3 euros) trépignent d'impatience de pouvoir investir les lieux.
Nous relevons en passant les portes que le Bikini est pourvu d'une grande terrasse extérieure avec bar et piscine (oui-oui !) permettant, chose importante pour une longue soirée avec de forts volumes sonores, de faire de vraies pauses clope-discut' autour d'un verre tout en étant complètement coupé du son.
Dans la salle de concert, les deux imposants stacks de King Shiloh sont disposés à 45 degrés des murs latéraux, permettant de couvrir ainsi l'ensemble de l'espace sonore. La control tower et le matériel live de Kanka et Webcam-Hi-Fi sont disposés le long de la scène.

tds3_webcam.jpgFredread - Webcam Hi-Fi ouvre la soirée avec un set dub roots présentant les tunes de son nouvel album - Livity Is My Temple (que nous vous recommandons chaudement, une des meilleures productions dub roots de l'année) fraîchement sorti sur CD, quelques dubplates maison dont un remix du canadien Dubmatix et une production du chanteur italien Prince David.
Une réjouissante nouveauté vient enrichir le set Webcam Hi-Fi avec la présence de Ras Martin au saxophone. Le jeune instrumentiste dispose devant lui d'un sampleur sur lequel il dubbe en direct ses propres mélodies jouées au sax, donnant un aspect live au set qui sera très apprécié du public. I-Tist est également présent au micro bien qu'interrompu par des soucis techniques vraisemblablement en provenance de la sono des hollandais : dès qu'il se met à chanter de violents craquements surviennent dans les enceintes et Neil, l'operateur/technicien de King Shiloh, n'arrivera pas à détecter l'origine du problème. Malgré ces aléas c'est avec le sourire que Fredread, I-Tist et Ras Martin partagent les premières vibrations de la soirée avec des massives décidément très réceptifs.

Vers minuit, Kanka accompagné de son fidèle bassiste Chris B, viennent prendre la relève pour une heure et demi de live steppa dub. Les occasions d'assister à un live de Kanka sur un sound system reggae sont peu courantes et donc très appréciables car la profondeur des subs donne une teneur physique voire organique à ses productions, chose impossible à retrouver sur une sono de scène classique.
Le combo, irrité en début de set, subit les mêmes déboires techniques que Webcam quelques minutes auparavant : dès que Kanka lance un effet sur sa console, les craquements sont de retour dans les enceintes du sound system. Effet porte poisse du Vendredi 13 ou King Shiloh serait le sound à bannir pour tout branchement de console et matériel auxiliaire (on se souvient encore du set de Weeding Dub reporté au Irie Vibes Festival à cause d'un problème de câblage sur la sono de Shiloh) ?? La solution ne tarde à venir, après le changement express d'un câble défectueux, tout rentre dans l'ordre.
Kanka joue alors l'ensemble ou presque de ses 3 albums, remodelés pour le live. Débutant par une série de puissants one drops, il embraye rapidement sur du heavy stepper, mixant en direct les célèbres cuts vocaux de Brother Culture (Revolution, Town Get Vile et Critical Time), d'Oliva du Blackboard Jungle Sound (Dizzy Dub, Kroket), Biga Ranks (Make It This Time) et le killer Rome de Ranking Joe, l'ensemble alterné avec des dubs instrumentaux et quelques exclus. Un set Kanka ultra rodé par les nombreuses dates du combo en France et à l'étranger, sans temps morts et très apprécié par les nombreux massives présents autour de l'espace scénique.
Oui mais en ce qui nous concerne, l'adhésion n'est pas totale, car si en terme de production le steppa dub de Kanka est parfaitement taillé pour le sound system, tds3_kanka.jpg le live actuel ne le restitue pas idéalement. L'aspect animation du set est plus qu'en retrait, les deux musiciens étant trop préoccupés par leurs instruments respectifs. Et du coup nous ressentons d'avantage la dimension electro du son Kanka, avec ses aspects bruts, cherchant l'efficacité à tout prix, que la chaleur du reggae pourtant bien présente dans ses productions. Ayant encore en mémoire les lives enflammés avec Oliva au micro, nous aurions clairement imaginé un Biga Ranks ou Joe Pilgrim (un des chanteurs du Dub Addict Sound System) toastant sur les versions. En résumé, si Kanka veut poursuivre dans la voie du dub joué en sound system tout en conservant le set live, il devrait collaborer à nouveau avec un MC.

1h30, la salle est en feu lorsque King Shiloh en effectif réduit (seulement Neil, Jah Rootz et un boxman qui s'improvise chanteur de temps à autres) prend le contrôle du system pour la suite et fin de soirée. Neil embraye sur ce style de stepper-roots bien caractéristique des sélectas du crew hollandais avec le remix du classique None Of Jah Jah Children de Ras Michael par Russ Disciple sorti récemment sur le label des suisses Cultural Warriors. La suite sera tout aussi bonne avec la dernière série de 12" du label King Shiloh Majestic : Zion Bound / Lift Up My Voice de Christine Miller, Overjoy de Danny Red sans oublier le dernier tube d'Earl 16 - Rally Round.
Peu de roots jamaicain au programme hormis un petit retour au sources en milieu de session avec Run Come Rally de Yabby You. Quelques pre-releases et exclus retiennent notre attention avec notamment un vocal de Idren Natural - Rasta Children suivi d'une autre chanteuse sur le même riddim (prochaine release des suédois Meditative Sounds ?) et surtout un renversant Poverty Is Everywhere chanté par Afrikan Simba.
La sélection est une des grandes qualités de King Shiloh car elle sait autant satisfaire l'auditeur averti, amateur de dubplates, que le néophyte qui peut ainsi découvrir un large panel de productions dub & reggae européennes avec les tunes de Dub Creator et Lyrical Benjie, Slimmah Sound, Shiloh Ites, Cultural Warriors, Meditative Sounds etc...
tds3_kingshiloh2.jpgL'autre qualité des hollandais peut être aussi son talon d'Achille : sa sono artisanale. La vingtaine de kilowatts de leur sound system délivre un son chaud, au basses profondes, parfaitement adapté à la sélection de Neil. Seulement voilà, ce dernier mixe ruff (le style hollandais ?) et joue à des volumes sonores très élevés. Et cela peut se révéler fatiguant sur la durée surtout en fin de soirée lorsqu'il ne reste plus qu'une centaine de personnes, l'effet du son n'étant absolument pas le même dans une salle occupée par 1000 personnes que par 100-150 personnes.
Pour la dernière demi-heure, Neil sort de redoutables instrumentaux de King Earthquake et Aba Shanti-I qui feront la joie des skankeurs de 5h du mat'.

Un dernier mot concernant le set vidéo assuré par VJ Hakrone tout le long de la soirée : un vjing très réussi et pour une fois dans un vrai esprit dub, où les titres animés des sounds présents succèdent aux boucles sur des platines vinyles, enregistreurs vintages et images tirées d'archives documentaires sur la scène dub.

Au final une grosse session à la hauteur des moyens et de l'énergie mis en jeu, un son énorme et une ambiance de feu. Une soirée fédératrice qui (re)donne un bel élan à la scène dub sound system du sud, sud-ouest et nous permet d'envisager les prochaines Toulouse Dub Station avec beaucoup d'enthousiasme.

La galerie photo complète :


Merci à Talowa Productions de nous avoir donné carte blanche pour les photos.