C'est ainsi qu'aux abords de minuit, un appareil photo en poche, je m'engouffre dans les méandres du métro parisien avec la ferme idée de me rendre à ce petit concert de /sonde/ organisé en plein cœur de la cité grise.
A une centaine de mètres de gare de l'est, l'adresse indiquée dans le mail envoyé par le groupe apparaît enfin à mes yeux sous l'aspect d'un de ces squats artistiques bien en vogue dans la jungle urbaine parisienne. Et après de brefs échanges avec un trio de jeunes personnes à l'entrée :
"vous avez pas entendu parler d'un sound-system jouant ici ?
- Euh non, on est des potes de Nolwenn (ou un nom de ce genre), je crois pas avoir entendu parler de ça..."
la désagréable impression de m'être trompé de soirée me monte au cerveau et lance le premier round d'un match de catch avec mon pote mal de crâne.
Et puis merde, je rentre quand même prendre une bière.

Le moment d'affuter mon instinct de pisteur de la basse est enfin venu car si je me suis réellement trompé de soirée, je vais assez vite m'en rendre compte !
Quelques minutes suffisent pour repérer un escalier s'enfonçant sous la grande salle du rez de chaussée. Une descente de marches entraînant une montée de basses à dresser la moustache de n'importe quel émule de Dali au passage d'une voûte mal éclairée, un sas carré donnant sur une salle pas plus grande qu'une cave d'où proviennent des effluves humm...herbalistiques ?? il semble clair que je ne me suis pas trompé d'endroit.

Un petit system est disposé au mieux vu l'espace pour délivrer ses ~3-4 kw de son. Un jeune sélecteur est affairé à envoyer quelques tunes reggae-dub pendant qu'un autre type finit de brancher une table de mixage, on dirait que j'arrive au bon moment car ce gars n'est autre que Geoffrey, dub-master du groupe /sonde/ et il ne tarde pas à faire un signe à son voisin pour lancer un premier morceau.
Le chanteur au nom de DaMan s'empare alors du micro et entame une mélodie visant à introduire le set, au même moment un VJ assis à ses côtés lance une première séquence vidéo-projetée sur le mur au fond de la pièce.

Démarrage du live machines en douceur avec un dub vaporeux aux forts échos germaniques, nous rappelant que Rythm & Sound - dont le fameux See Mi Yah fera d'ailleurs l'objet d'un remix par la suite - et les producteurs du label Scape sont bien présents parmi les affinités du crew.
Malgré ces premières nuances planantes, le ton est bien à la dénonciation dans les lyrics entonnés par un DaMan au flow aussi hypnotique que celui de Paul - Tikiman - St Hilaire et peut être moins langoureux que celui de Shanti D pour vous donner un ordre d'idée... Et oui, malgré son jeune âge, le chanteur est convaincant car il ne se contente pas de plaquer sa voix sur des riddims, il fait corps avec eux et leur amène ce soupçon de chaleur vocale qui fait tant défaut à certaines prods dub d'aujourd'hui (petit conseil d'écoute : le titre Lissa feat DaMan par ici).
©Real, le VJ prend le relais de la charge contestataire, les boucles industrielles succédant aux images publicitaires détournées et autres aberrations télévisuelles, rien de déplacé malgré tout, tant le visuel achève d'expliciter le message socio-politique déjà présent dans les lyrics entonnés par DaMan.
Le set vire peu à peu au steppa, les versions se chargent en bpm, lignes de basses et contre-temps propices à skanker mais Geoffrey, dub-master de /sonde/ ne cède pas pour autant à la facilité du pur dub de dancefloor, le mix reste subtil et exploite une large palette de fréquences.
Et même si le duo machine/chant + VJ se suffit à lui même je me suis quand même pris à imaginer quelques incursions instrumentales sur les versions, et oui peut être que je ne succomberai jamais complètement au dub purement digital (et pourtant j'adore)...Enfin, l'ensemble reste très cohérent et les sonorités électroniques utilisées dans les dubs de Geoffrey sont agréables et loin de l'amateurisme de beaucoup de dubs conçus (baclés???) en MAO aujourd'hui.

Pas besoin de s'appeler Lee Scratch Perry ou d'avoir eu l'oreille biberonnée aux basses depuis l'enfance pour capter que la formule /sonde/ c'est pas de la piquette et que la grosse poignée de morceaux joués par le crew sauront assouvir les oreilles du moindre amateur de dubs et mixes méditatifs.
En clair, un live solide qui ne demande qu'à s'envoler vers des stages plus conséquents et auprès de massives aussi réactifs que les plus réjouis de cette cave embrumée. Un échange avec Geoffrey confirmera la motivation du crew pour la suite des évènements studio et live "on est très productifs avec DaMan et on a d'ailleurs de nouveaux morceaux à enregistrer..." et je sais pas pour vous mais j'ai déjà hâte de découvrir cela en live...

La fin de soirée se poursuivra dans la bonne humeur, le crew Killasoundyard reprenant en main le system pour une sympathique sélection reggae-dub-stepper.
Mais la fatigue prend le dessus sur l'envie profiter de cette sélection toute la nuit et je m'extirpe tranquillement de cette joyeuse cave avec ce sentiment d'avoir profité d'une expérience dub revigorante.

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Pour plus d'infos sur /sonde/ et Killasoundyard, suivez les liens présents dans le report !